Puis-je véritablement expier mes fautes ? Suis-je réellement le corps du Christ ? Et, vous, êtes-vous capable de m'offrir une quelconque rédemption ?

Et quel est donc cet "ailleurs" que l'Eglise se plait à nous promettre ?

A dire vrai, je ne crois pas à ces belles paraboles que l'on nous murmure entre les vitraux et les cierges frémissants. Point d'accalmie latente lorsque la mort s'éprend enfin du corps. Non, seulement ce vide redoutable qui gangrène l'esprit et écartèle les songes. Alors pourquoi jurer cet au-delà merveilleux, quand le trépas n'offre qu'un lointain nébuleux ? Est-ce pour mieux apprivoiser l'effroi, tandis que le souffle, lui, s'étrangle finalement dans le gosier ? Ou bien vous amusez-vous de la candeur que vous inspirez ?

Petiot, je me projetais "là-haut", auprès des chérubins et de leurs membres potelés. Quelle ironie ! Je n'y ai trouvé que noirceurs, flammes impétueuses. Vous parlez beaucoup, oui, vous, l'homme de Foi. Mais vous ignorez, tout compte fait, ce qui trémule dans les hauteurs de cet "après". Pensez-vous réellement ce que vous contez à travers chaque chants ? Comme j'aimerais comprendre ce qui gronde dans les tréfonds de vos entrailles, mon Père.

Comment démêler le vrai du faux ?

Suis-je de trop désormais ? A la fois ici et là-bas ? Sera-t-il possible de me frayer un chemin malgré la cohue de cet univers que je n'ai habité qu'une poignée de secondes ? Et vous, allez-vous me psalmodier quelques merveilles afin d'apaiser les trémolos de mon inconstance ? Bien sûr que non. Les damnés n'ont point de place auprès de vous, ni même auprès de ces autres qui serpentent le monde sans détour. Je suis forcé de rester là, sur le bas côté, sans aucune perspective.

Regardez-moi, Seigneur, je hurle ma propre ignominie, des larmes glacées sur vos genoux.

K.

J'aurai été tenté de vous convier à l'un de mes chants, un dimanche, à l'aube, mais je crains que vous ne puissiez déceler la candeur de sa lumière... J'ignore quelle noirceur s'est immiscée en vous, mais je crains qu'elle n'ait littéralement décharnée tout votre être. Puisse Notre Père vous guider ? Navré de ne pouvoir vous l'affirmer.

A partir de la seconde même où vous ombragez Son Existence, sachez, mon cher K, que Ses Yeux ne pénétreront nullement sur votre carcasse, d'autant plus si vous comparez Ses Cotons de nuage aux flammes du grand gouffre. Ai-je les réponses à ce qui nous réuniront, vous et moi, dans notre second voyage ? Non. Je suis seulement certain qu'Il sera là, avec vous, avec moi, et nous Tendra La Main; du moins, si vous eussiez bercé votre existence de Ses Succulentes. Si vos paumes sont aussi noires que la cendre, votre cœur écharpé par le charbon, ou vos mains aussi rouges que ce qui fait battre votre myocarde, il va de soi que vous ne pourrez qu'embrasser les Flammes de l'Enfer. Craignez-vous d'y ramper ? N'ayez crainte, chaque homme, quel qu'en soient ses croyances, se pose ces questions à un moment donné dans sa vie; " Mériterais-je les flammes ou les applaudissements ?"

Mes condoléances, cher K, car vous semblez bien plus emprunt à ce fleuve noir qu'à Sa Prestigieuse maison. Vous prétendez avoir pu percevoir les courbes de Lucifer ? Auriez-vous frôlé la mort, pauvre enfant ? Mon humble bâtisse propose un colloque pour toutes les questions qui puissent hanter chacun... Pourquoi donc Notre Seigneur nous inflige-t-il ces douleurs, ces tragiques événements ? Pourquoi nous arrache-t-il à nos frères ? Pourquoi, parfois, Il Semble vouloir faire danser les corbeaux sur nos têtes ? Vous serez comblé d'apprendre que ces événements n'arrivent jamais par hasard et permettent à votre être de se rediriger vers de nouvelles routes. Il ne punit pas, soyez-en certain. Les sombres heures que nous passons à errer n'adviennent que de notre propre volonté. Si Notre Vénéré jette toujours un coup d’œil sur notre être, prenez en considération néanmoins que jamais, ô grand jamais, Il ne Tire les ficelles de votre marionnette à Sa Guise. Les tragédies qui peuvent surgir dans nos vies sont parfois et simplement le fruit du hasard, ou, pour la plupart du temps, de simples conséquences aux énergies que produisent nos actions. Priez qu'elles n'aient cependant jamais attirées Le Cornue.

Mais que dis-je, peut-être marmonnerais-je quelques inepties ? Il est vrai qu'à l'écriture de votre missive, j'eus la classer parmi tant d'autres; de celles où ces pauvres enfants crient leur vie, craignant de n'être que de trop dans ce bas monde, ou de n'avoir planté suffisamment de roses et de cosmos pour mériter les Belles Portes une fois le dernier souffle envolé... J'ai comme l'impression qu'un autre psaume berce votre aura. Devrais-je m'attarder davantage sur vos interrogations ? Bien qu'il s'agisse de Sa Volonté, je prends à cœur CHACUN des cris déposés à mon parvis. Je dois vous avouer néanmoins, entre vous et moi, simples errants de ce bas monde, que je reste votre semblable et qu'une partie de mon humanité me rend curieux. Devrais-je vous confier ce vice ? Je suis convaincu qu'Il Comprendra.

Vos maux m'intriguent davantage que d'autres.

Puissiez-vous m'offrir quelques nouvelles taches d'encre, cher K ? Je me languis de savourer vos tourments au même titre que je vous offrirais mes bougies, souhaitant que leur cire suffise à vous façonner quelques sculptures intéressantes.

Il ne vous Regarde peut-être pas, mais moi, Son Envoyé, je vous conserve une place particulièrement: vos lettres seront ma philatélie.

Père Vangelis.