Le Soleil, doux mais dangereux sur ma peau pâle. Je peux le sentir s’immiscer dans chaque pore de ma peau, sa caresse brûlante sur mes joues, son baiser ardent mais délicat sur mes paupières. Ses bras, bouillant d’un amour maternel puissant, m’enserrent tout contre lui, le bruit soudain d’un cœur qui bat brisant le silence de cette synergie parfaite. L’attache se rond, les bras me compressent ; j’étouffe. Une force nouvelle me libère de l’étreinte, m’emmène plus loin tandis que l’aura furieuse de l’astre s’agrippe dans une dernière tentative à mes petits bras fébriles, mes joues mouillées de larmes… Je tombe.
La main d’un géant posée sur mon crâne, glissant ses doigts dans ma chevelure fauve. Le battement d’un cœur contre mon oreille, un rire cristallin agitant la poitrine où je me pressais. Ces esquisses de moments dont l’encre s’efface avec le temps sont les rares souvenirs que j’ai de mes parents. Le temps me semble pourtant une force familière, coulant paisiblement dans mes veines, son pouvoir à la fois doux et tranchant ondulant autour de mon doigt et caressant ma nuque. Ces années perdues me semblent pourtant hors de portée, tel le Soleil qu’on semble toucher du doigt en tendant les bras vers le ciel. Il n’est pas si loin, je peux sentir sa chaleur sur mon ongle mais il s’échappe, toujours.
Je n’oublierai jamais pour autant le visage constellé de tâches de rousseur de ce qui m’apparaissait comme ma famille ; Gerda. Nos deux âmes rayonnantes étaient faites pour se rencontrer et n’ayant aucune autre attache dans ce monde encore inconnu pour moi, Gerda fut ma boussole. Elle m’aiguilla, me pouponna, obstruant les déchirures d’une vie d’enfant arrachée soudainement à ses parents. Le doute fut poudré sous couche de farine et marmelade, cachée sous un drap dans une chambre rythmée par les rires. Des moments précieux, de nouveau bouleversés par un pouvoir mystique et dangereux. Ces instants où je me sentais réelle petite fille furent gelés dans le temps, arrachés par la jalousie de la sœur de Gerda, Arenne.
Ce ne fut pas ce poignard glacé qui me fit le plus mal, ni la culpabilité d’avoir inconsciemment provoqué ce désastre. C’était le rayon de soleil de Gerda qui s’est étouffé quand sa sœur disparut. Le lumineux domaine d'Arendelle fut plongé sous une ombre de chagrin. Gerda était ma seule accroche et j’étais dorénavant la sienne. Je l’ai laissai brosser ses doutes sur mes cheveux, lui offrant la jeunesse et l’espoir. L’espoir…
Espérer fut autant mon libérateur que mon bagne. Tandis que le pouvoir de jeunesse m’est accessible à porter de doigts, je n’ai jamais eu aucun contrôle sur mon existence. Le destin m’a passé de main en main, comme un corps inanimé, tout de chiffon. Impuissante devant ce chemin que j’empruntais, je n’ai pourtant jamais décidé d’emprunter ce sentier. Gerda semblait simplement me prendre le bras sur cette route sinueuse. Ce n’est que pendant ces années sombres et froides que la forêt se dissipa et que le Soleil se dressa devant moi en majesté. Gerda s’éloigna, éblouie. Mon bras était rouge de la poigne de fer de mon unique alliée. Le doux rayon de l’espoir réchauffait enfin ma poitrine. L’hiver fut fini, pour moi.
Me voilà sur mon propre chemin, l’écho de Gerda me poursuivant dans ces montagnes escarpées, la silhouette d’un couple dans la brume. Chaque pas sur cette pente me rapproche du Soleil, mon corps entier fébrile de cet excès d’enthousiasme. Si haut, je peux voir l’horizon des possibilités, un monde entier qui s’offre à moi de ma haute tour. Si haut, le sol est très loin, m’attirant vers les profondeurs et la chute peut s’avérer dangereuse…