LETTRE I
QUINZEL DAMCOEUR
A AMBROISE SCARVITCHERS
Ô, mon amour, mon Ambroisie. Mes nuits n'ont plus de paupières depuis que j'ai croisé votre chemin. Il est vrai que mère ne souhaite plus me voir aux abords du bosquet depuis qu'elle nous a aperçu. Et je ne sais comment regagner vos pourtours désormais. La nature de notre sang m'importe peu. Mais selon elle, nous ne pouvons nous unir d'une quelconque manière. Cela serait un sacrilège, que dis-je, une parjure ! Est-ce également ce que vous croyez ? Du moins, vos proches le pensent-ils ? Serons-nous réunis un de ces jours ? Votre présence manque terriblement à mes heures. Et l'ennui me guette. Alors je songe à l'instant où je pourrais de nouveau prendre votre beau minois entre mes paumes. J'espère que votre cœur ne déraille pas, que ses aiguilles se balancent paisiblement. Je garde précieusement le crochet que vous m'avez confié. Il repose tout contre mon corsage la journée, puis sous ma tempe lorsque la nuit étend enfin son joug. Malgré nos jeunes âges, force est de constater que le lien qui nous rassemble est d'une évidence sans borne. Je reconnais à travers votre regard l'éloquence des grands hommes, mais également une similitude déconcertante. Nous sommes semblables. Et je suis certaine, sans trop m'avancer, que nous accomplirons de grandes choses ensemble. Il me tarde de vous retrouver enfin.

Bien à vous.

LETTRE II
QUINZEL DAMCOEUR
A AMBROISE SCARVITCHERS
Ambroise, il est temps pour nous de prendre notre destin en mains. Je ne supporte plus cette injustice. Les Vitchers n'ont rien de plus. Toi et moi allons donc récupérer la place qui nous revient. Grâce à cet enfant qui m'est poussé sous le nombril. Quelle belle vengeance allons-nous obtenir avec cela, mon cher époux ! Viens, prends ma main, Ambroise, et empressons-nous de conquérir le monde. L'univers n'est pas prêt pour nous. Et les Vitchers n'appréhendent pas l'énorme cataclysme qui s'en vient indubitablement vers eux. Comme je me gausse déjà de les voir se réduire à néant ! Si mère n'a jamais souhaité redorer le nom des Damcoeur, moi, je m'engage à le faire. Tout comme je jure de donner un second souffle aux Scarvitchers ! Maintenant que cette petite sotte n'est plus de ce monde, nous pouvons mettre notre plan à exécution. Nous prendrons notre temps, bien évidemment. Nous avancerons prudemment, comme un cancer qui gangrène tranquillement l'organisme. Prends garde aux rouages de ton cœur, mon Ambroise, le voyage risque de connaître quelques grabuges. Le Capitole nous ouvre les bras. Alors empressons-nous de nous étreindre. Les prochains mois ne seront définitivement pas de tout repos.

A jamais tienne.      

LETTRE III
QUINZEL DAMCOEUR
A THEA VITCHERS
Théa, mon enfant, j'imagine parfaitement ta surprise. Je suppose que beaucoup de questions te taraudent. Et j'y répondrai avec plaisir si le cœur t'en dit. N'en veux pas à ton père de t'avoir subtilisé la vérité. Certes il a tenu les ficelles d'un grand projet, mais il t'a toujours porté dans son cœur. Mais je comprendrais, néanmoins, que tu ne puisses jamais m'ouvrir la porte. C'est pour cette raison que je t'écris ces quelques lignes. J'aspire à mettre en lumière la raison de notre subterfuge. Ton père et moi voulions simplement redorer notre nom. Les Vitchers, depuis des années, ont un pouvoir incommensurable entre les mains. Un pouvoir qu'ils ne méritent pas bien entendu. J'espère qu'un jour tu comprendras nos motivations. En attendant, je tiens à ce que tu saches qu'il n'y pas un seul instant où tu as quitté mes pensées. Je ne sais pas encore si je t'enverrai cette lettre. Mais si tu la reçois, c'est que ton père et moi avons réussi notre entreprise. Tu as ta place auprès de nous. Et j'espère que tu sauras passer outre ta rancune pour te joindre à nous.

Ta mère.